Historique

 

Située à l'extrémité méridionale de l'Auvergne, aux limites du Gévaudan et du Rouergue, la commune de Saint-Urcize s'étend sur 5.400 hectares de bois et taillis, d'immenses pâturages et de riches prairies aux multiples ruisseaux. Avec ses vastes et rudes solitudes aux burons épars, le paysage des "montagnes" donne une impression de mélancolie indéfinissable. Ce site sauvage, aux espaces infinis, est dominé par le Puy de Gudet (1.427 m), point culminant de la commune dont l'altitude moyenne est d'environ 1.230 mètres.

 

Le village de Saint-Urcize se dresse à 1.000 mètres d'altitude sur un roc basaltique dominant les vallées de l'Hère et du Bès. Les toitures d'ardoises grises et de schistes servent d'écrin à une remarquable église romane du XIIème siècle dont le clocher à peigne domine la cité. Les vieilles demeures, les ruelles étroites, les petites places agrémentées de fontaines, les restes de fortification et les ruines de l'ancien fort donnent au village un aspect moyenâgeux et attestent de son origine très ancienne.

Outre le bourg, la commune comprend douze hameaux et plus de quarante fermes disséminées à travers la montagne. La population est d'environ 500 habitants.

 

1. Les origines

L'origine du bourg de Saint-Urcize semble liée à celle de son propre nom, qui dériverait avec recul de l'accent de Ursicinus, évêque de Cahors de 583 à 624.

 

Selon Grégoire de Tours, Ursicinus ou Urcisse, ancien référendaire ou chancelier de la reine Ultrogothe, est le successeur de Maurillon à l'évêché de Cahors. En 590, Urcisse participe en cette qualité au IVème Concile d'Auvergne qui se tient aux confins de l'Auvergne, du Gévaudan et du Rouergue pour rendre une sentence arbitrale dans une action pour cause d'adultère et de spoliation dirigée par le comte d'Auvergne Eulalius, contre son ancienne épouse Tétradie veuve de Didier, duc de Toulouse.

Le concile dut se tenir sur le territoire de Saint-Urcize, près de la " Croix des Trois Évêques " érigée au XIIIème siècle par les moines d'Aubrac pour commémorer cet événement. Le nom de Sanctus Urcisius fut vraisemblablement donné au petit village tout proche pour perpétuer le souvenir de l'un des participants du concile, l'évêque de Cahors réputé pour sa grande piété puisque Grégoire de Tours lui-même le surnomma " saint ".

 

2. Les seigneurs.

Dès le XIème siècle, Saint-Urcize est le siège d'une seigneurie considérable, l'une des plus puissantes de l'Aubrac. En Auvergne, elle comprend de nombreux fiefs et alleux dans les paroisses de Saint-Rémy, la Trinitat, Saint-Martial et Anterrieux jusqu'à Chaudes-Aigues inclus. En Gévaudan, elle s'étend sur Nasbinals, Grandval, Brion, Cogoussac, Escudières et jusqu'à Marvejols. En Rouergue, elle possède plusieurs fiefs à Curières, Masse près d'Espalion, Marsils, Condom et des bois qui s'étendent jusqu'au Lot.

 

La terre de Saint-Urcize a donné son nom à une illustre famille dont l'origine paraît être la même que celle de la maison d'Oradour que le Chanoine Audigier fait descendre des anciens comtes de Toulouse.

 Le premier seigneur dont les documents font mention, est Robert de Saint-Urcize. Vers 1025, Robert donne au monastère clunisien de Saint-Flour, l'église Saint-Julien de Chaudes-Aigues avec les dépendances del Rieou, les manses de Chasson et de Cheyrol, ainsi que la moitié de l'église Saint-Martin qu'il possède au même lieu avec les familles de Brezons et d'Oradour, ce qui confirmerait l'opinion de M. Audigier.

Le 15 des calendes de juillet l060, Gauscelin de Canilhac, seigneur de Chirac, donne à l'Abbaye Saint-Victor de Marseille la moitié de la ville de Marvejols, reconnaissant tenir en fief de Robert de Saint-Urcize la partie de la ville située sur la rive droite de la Colagne.

 

En 1074, Robert de Saint-Urcize et Bertrand son frère, donnent aux moines de Saint-Victor, l'église de Nasbinals avec le village, les mas Ingisbald, le Mazet, Poget, Brefairéte, Boscolong et Taladites, ainsi que le village de Mongros avec les moulins, les cabanes et les pâturages. En outre, Robert donne l'église du village de Saint-Urcize, de même que le village de Pomiers dans la paroisse de Curières, avec les droits et les appartenances qui dépendent du village " afin que les moines de Sainte-Marie de Nasbinals les possèdent ".

 

A partir du XIIème siècle, les libéralités des seigneurs de Saint-Urcize s'exercent au profit des monastères rouergats d'Aubrac et de Bonneval.

 

 

La branche aînée de la famille de Saint-Urcize s'éteint en la personne de Pons, dont la fille unique Miélher ou Mettir épouse avant 1238 Déodat de Caylus, issu d'une illustre famille du Gévaudan. Déodat relève le nom et le titre de Canilhac qu'il tient de Béatrice, sa grand-mère maternelle.

 

Aux XIIIème et XIVème siècles, les seigneurs dominants de Saint-Urcize sont les Canilhac. Déodat premier de la lignée est un seigneur puissant. En Gévaudan, il possède la seconde des neuf baronnies qui donnent entrée aux états du Languedoc: les fiefs de Canilhac, Banassac, la Canourgue, Mièze-Rivière, les Clergues, la Ferrière, Maloin, Saint-Germain du Teil, les châteaux de Moriès et des Hermaux en font partie. En Rouergue, Aurelle, Estolle, Saint-Laurent d'Olt, Bonneterre, et le château de la Garde près de Rodez lui appartiennent. En Auvergne, outre Saint-Urcize et Chaudes-Aigues, il possède des fiefs dans le Carladès, en particulier tous les villages de la vallée de la Cère, entre Polminhac et Thiézac. Déodat occupe le fort de Saint-Urcize mais sa résidence préférée est le château de la Roche, fief très ancien auquel il ajoute son patronyme, pour donner le nom de la Roche-Canilhac au petit village de la vallée du Bès.

 

Lorsque Marquès de Canilhac, meurt en 1298, son fils Marquès IIème du nom, lui succède, mais de son mariage avec Alixen de Poitiers, sa troisième femme, il n'a que deux filles, Guérine et Jeanne, filleule du roi Jean le Bon, née en mai 1351.

 

Guérine, héritière de la baronnie de Saint-Urcize, épouse un frère du pape Clément VI, Guillaume Roger, Seigneur de Roziers en Limousin, veuf en premières noces de Marie de Chambon et père de cinq enfants dont l'un devint pape sous le nom de Grégoire XI.

 

Cette alliance fait entrer la baronnie de Saint-Urcize dans le patrimoine d'une famille très riche et influente. Marquès, IIIème du nom, fils de Guérine, relève le nom de Canilhac en l'adjoignant à celui de Beaufort, comté d'Anjou donné par le roi Jean le Bon à son père. Marquès hérite principalement des fiefs de Haute-Auvergne mais l'administration de ses biens est confiée jusqu'à son émancipation en 1366, au Cardinal Raymond de Canilhac, son grand-oncle maternel.

 

La baronnie de Saint-Urcize passe ensuite à Louis de Beaufort, marquis de Canilhac. En 1511, son fils Jacques de Beaufort n'ayant pas d'enfant, donne à son petit- neveu et filleul Jacques de Montboissier, le marquisat de Canilhac, le comté d'Alès, les vicomtés de Valerne et de la Mothe ainsi que toutes les autres terres dont Saint-Urcize, à condition de porter le nom et les armes de Beaufort.

 

Les descendants de cette illustre famille possèdent Saint-Urcize jusqu'au XVIIIème siècle. La branche aînée des Beaufort-Montboissier s'éteint en 1725 en la personne de Philippe, prince de Combret. Après sa mort, la baronnie de Saint-Urcize est mise en vente en l727 et adjugée pour 75.000 livres à Alexis Rogery, avocat au parlement de Paris. Son fils, Jean-François Rogery de Saint-Rémy lui succède. Enfin, vers 1770, la fille de ce dernier, Marie Rogery épouse Boyer de la Valette, devient le dernier seigneur de Saint-Urcize.

 

 3. Le fort. 

 

Le château fort de Saint-Urcize s'étendait dans la partie méridionale du bourg. Son donjon, appelé la " Salle-Court " et constitué de trois voûtes superposées, se dressait sur l'actuel rocher de la Vierge et dominait ainsi les maisons du village et la vallée de l'Hère. Un souterrain le reliait au "Portal Souteyra" et sans doute également au château del Roc; dernièrement, lors de travaux de voirie, un souterrain voûté a en effet été mis à jour entre la maison Vigouroux de Rouby et l'église.

 

Jusqu’à nos jours, le quartier du Fort a conservé son appellation Le château occupait l'emplacement des jardins situés au pied du rocher où de nombreuses pierres de construction servent encore pour édifier les murs de clôture. En 1850, on pouvait encore voir en cet endroit un frêne vivace, " l'arbre de la liberté " planté en 1792. Le donjon du fort a été rasé vers 1666, à la suite de la condamnation par contumace du marquis de Beaufort-Canilhac, seigneur de Saint-Urcize, prononcée lors des Grands Jours d'Auvergne tenus à Clermont. Du fort, il ne subsiste plus que la tour carrée datant du XIII ou XIVème siècle. Moins haute qu'à sa construction, cette tour de granit est néanmoins assez bien préservée et conserve sur les côtés, les meurtrières servant aux archers. Un chemin de ronde reliait cette tour à la maison Péret où s'élevait anciennement une poivrière.

 

4. Le prieuré.

 

Le prieuré de Saint-Urcize, dépendant de la Chaise-Dieu est créé vers 1167. Une bulle du Pape Lucius III, datée du 27 mars l184, le mentionne parmi les possessions de la célèbre abbaye fondée par Saint Robert de Turlande.

 

Vers 1339 ce prieuré est uni à l'Hôtellerie de la Chaise-Dieu, de même que ceux de Champagnac-le-Vieux et de Champagnac-le-Jeune, car l'hôtelier casadéen a des charges financières assez lourdes pour recevoir et héberger les nombreux fidèles venus en pèlerinage sur le tombeau de Saint Robert.

 

A l'origine, le prieur est en même temps le desservant de la paroisse, le "rector ecclesiae". Mais au XIVème siècle, à la suite du rattachement de ce prieuré à l'Hôtellerie casadéenne, le prieur de Saint-Urcize qui est également hôtelier-mage de la Chaise-Dieu, doit abandonner la cure à un ecclésiastique pris parmi les membres de la communauté. Dès lors, il jouit de tous les droits prieuraux sans être astreint à résidence, mais reste patron de la cure, puisqu'il en nomme le titulaire. Le prieur est également décimateur, seigneur direct et justicier en partie de la paroisse de Saint-Urcize.

 

5. L’église

 

L'église de Saint-Urcize est sous l'invocation de Saint-Pierre. L'édifice actuel date des XIIème et XIVème siècles, mais il fait vraisemblablement suite à une construction plus ancienne puisqu'en 1074 Robert de Saint-Urcize donnait l'église de ce lieu au monastère de Saint-Victor de Marseille.

 

Ce monument, le seul à déambulatoire que possède la Haute Auvergne, paraît avoir été édifié par les moines de la Chaise-Dieu, mais des affinités sont à rechercher à Conques, la célèbre voisine rouergate, ainsi qu'à Sainte-Eulalie d'Olt.

 

Extérieurement, l'abside entourée des trois chapelles rayonnantes et la nef trapue dominée par le clocher à peigne donne à l'ensemble une certaine élégance. Le chœur édifié au début du XIIème siècle est de style roman. Le mur circulaire du chevet est percé de trois baies et décoré de neuf arcatures supportées par des colonnettes; il domine le toit tournant du déambulatoire. Une corniche à corbeaux sculptés supporte le toit en schiste du pays qui vient couronner le tout.

 

Les absidioles semi-circulaires sont percées d'une petite baie romane. Quatre baies plus importantes séparent les chapelles et éclairent le déambulatoire. La polychromie des pierres confère à l'édifice un effet des plus heureux. En effet, si l'appareil de construction de l’église est généralement en granit gris, les pierres d'ornementation du chœur et des chapelles rayonnantes sont, soit en granit, soit en tuf rougeâtre ou brun méthodiquement ordonnés.

 

Le clocher à peigne, percé de quatre baies, domine le mur ouest. Détruit en 1794, il a été reconstruit après la Révolution. La cloche la plus petite datant de 1583 porte les initiales du fondeur F.P. et l'inscription : " Dieu veulhe préserver la Crestienté de tous périlz et ennemis ". Il s’agirait d’une des plus anciennes cloches de France.

 

Intérieurement, la nef gothique surprend par ses dimensions réduites puisqu’elle est plus large que longue (11 m sur 9 m) et ne comporte que deux travées séparées par un arc doubleau reposant sur un chapiteau de colonnes. La voûte est couverte de lambris. Depuis 1991, de nouveaux vitraux représentant des animaux bibliques ornent les baies romanes du déambulatoire.

 

Deux chapelles latérales s'ouvrent en avant du déambulatoire. Celle de gauche, chapelle funéraire dédiée à Saint-Michel est voûtée d'ogives. Les retombées de ses arcs s'appuient sur deux consoles figurant des moines. Sur le mur, une fresque du XVème siècle découverte lors de la restauration de 1969, représente Saint-Michel terrassant le dragon. A la clé de voûte figuraient autrefois les armes des Beaufort-Canilhac, seigneurs de Saint-Urcize à qui cette chapelle servait de sépulture. C'est là qu'auprès de son épouse repose Marquès de Beaufort-Canilhac, neveu du pape Clément VI et frère consanguin du dernier pape français Grégoire XI, qui ramena le siège de la papauté d’Avignon à Rome.

 

Dans la chapelle rayonnante centrale, on peut admirer un Christ au Tombeau avec Piéta, en pierre peinte, d’un réalisme naïf remarquable qui proviendrait de la domerie d'Aubrac.

 

Parmi les trésors soigneusement conservés figure un calice armorié en argent, qui selon la tradition aurait servi pour célébrer la dernière messe de Louis XVI au Temple. Donné à Pierre-Jean lpcher, prêtre de Saint-Urcize par l'abbé Saint-Pée d'Amon, il proviendrait du confesseur du roi, Henry Edgeworth de Firmont, prêtre irlandais qui accompagna le souverain à l'échafaud le 21 janvier 1793.

 

La coquille figurant au dessus de la porte d'entrée de l’église, sous le porche, rappelle que Saint-Urcize fut au Moyen Age une étape du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Selon M. Raymond Oursel, un itinéraire de pèlerinage placé sous le contrôle de l’abbaye de la Chaise-Dieu, passait la Margeride à la Croix du Fau, puis de Saint-Chély d'Apcher, se dirigeait vers Saint-Urcize, Laguiole , le château du Bousquet et Entraygues avant de rejoindre Conques. Pour cet auteur, les dispositions de l'église de Saint-Urcize, en particulier l'ampleur de son chevet, ne s'expliquent guère que par ce trafic. Cet itinéraire le plus ancien de l’Aubrac a été emprunté par Godescalc, Evêque du Puy, lors de son pèlerinage effectué vers Saint-Jacques de Compostelle en 951.

  

6. La vie économique et sociale

 

Pendant des siècles, ces lieux servent de cadre à la vie quotidienne, rude et laborieuse d'une population composée de paysans, d'artisans et de marchands.

 

L'agriculture

 

Dès la plus haute antiquité, cette région de l’Aubrac est naturellement vouée à la vie pastorale. Jusqu'au XVIIIème siècle, Saint-Urcize vit de l’élevage des moutons ; la laine des toisons est toujours un revenu appréciable, même lorsque la dîme de carrelage a été perçue. L'élevage du gros bétail n'est pas négligé pour autant, mais cette activité semble réservée aux plus riches.

 

La race d'Aubrac qui fait aujourd'hui la fierté de la contrée, n'apparaît que tardivement au XVIIIème siècle. En effet, selon M. Fournialis, le cheptel bovin autochtone ayant été décimé par la peste, a été reconstitué à partir d'animaux de races parthenaise et tarentaise, ce qui explique les similitudes constatées entre ces trois espèces. Cette opinion semble confirmée par un "état de la race" établi en 1767, qui ne recense qu'une cinquantaine de bêtes réparties entre seize propriétaires de la paroisse de Saint-Urcize.

 

La principale richesse de la paroisse réside dans ses pâturages et ses prairies naturelles, mais la plupart des montagnes sont possédées par l'abbaye d'Aubrac ou par des bourgeois de villes voisines, comme les vacheries du Goutal-Bas, de Chavestras, de la Souque et du Drellier qualifiées de "montagnes roturières". Toutefois, les habitants de Saint-Urcize disposent de biens communaux dont l'étendue est considérable, puisque outre le bourg, les hameaux de Penavayre, Repon, Grezettes, Buges, Ventajoux, Bouxols et Montelmas possèdent chacun leurs propres communaux.

 

Un pâtre communal est chargé de veiller sur le troupeau du village. Ainsi en 1773, la garde des chèvres est confiée à Jean Grégoire cadet, moyennant le prix de 12 sols; celle des chevaux, à Nicolas Pradal pour 43 sols; le Panouval à Jean Grégoire aîné pour 18 pistoles; la garde des veaux de printemps au même berger, moyennant 8 sols pièce

 

L'estivage ou "estive" des troupeaux bovins et ovins s'effectue de juin à la mi-octobre. Dans les montagnes, les bergers disposent d'un habitat temporaire, la "cabane" constituée d'une murette de pierres sèches et de morceaux de bois composant une charpente grossière recouverte d'une toiture en mottes d'herbe. Le buron en pierres couvert de lauzes n’apparaît qu'au XVIIIème siècle. Le mazuc du Puech Tindoire, situé sur le territoire de la commune de Saint-Urcize et daté de 1797, est le plus ancien buron connu de l'Aubrac. Le cabanier est le chef des bergers affectés à la garde d'un troupeau ; particulièrement chargé de la fabrication du fromage, il est en quelque sorte l'ancêtre du cantalès actuel.

Les terres cultivables sont peu nombreuses et se situent au nord de la paroisse. Les deux tiers de la surface cultivée sont semés en seigle, l'autre tiers en avoine ou sarrasin. On pratique généralement la jachère triennale mais le rendement des terres reste médiocre puisque seule la moitié de la semence produit du grain. En raison des rigueurs de l'hiver, on ne peut semer les céréales qu'à la fin de mai ou au début de juin et très souvent, les grains n'ont pas le temps de mûrir à cause de gelées précoces qui surviennent dès fin août ou au commencement de septembre. Mais les récoltes sont très insuffisantes pour couvrir les besoins de la population locale.

 

L’industrie

 

Jusqu'au XVIIIème siècle, grâce à la laine des moutons, les habitants de Saint-Urcize s'adonnent à la fabrication des cadis, sorte de petite étoffe de laine croisée, que l'on emploie " à faire des ceintures pour les muletiers et les matelots, des suaires pour les morts et des espèces de doublures pour mettre derrière les tapisseries ". Les cadis sont achetés à domicile par des courtiers du Rouergue qui les font teindre avant de les expédier en Espagne ou en Italie et jusqu'en Orient.

 

En 1716, la paroisse de Saint-Urcize compte 80 métiers à tisser, également répartis entre le bourg et les hameaux. Cette industrie fournit du travail à la majorité de la population puisqu'elle emploie 90 tisserands, une centaine de peigneurs de laine ou "tireurs d'étain", et peut-être un millier de fileuses, pour une production annuelle de 4.500 pièces de cadis.

 

La fabrication des cadis atteint le plus haut degré de prospérité au milieu du XVIIIème siècle, puisqu'en 1744 Saint-Urcize vend 6.534 pièces à 19 livres 10 sols, soit un total de 156.816 livres. Mais par la suite cette activité décline, si bien qu'en 1783 le bureau de marque de Saint-Urcize est supprimé.

 

A côté de cette industrie de la laine, l'artisanat rural est particulièrement actif à Saint-Urcize. Le forgeron est à la fois coutelier, serrurier et maréchal-ferrant. Tout au long du XVIIIème siècle, la famille Vidal semble avoir une prédilection pour ce métier. Une certaine spécialisation prévaut ensuite, puisqu'en 1780 on trouve deux serruriers, Guillaume Planque et Antoine Monteil. Le village compte plusieurs cordonniers: au XVIIème siècle, Jean Monteil et Jean Ribeyroles ; au siècle suivant, Jean Picy, Pierre Ribeyroles et Jean Saignet. On recense de nombreux tailleurs: Jean et Guillaume Andrieu (1675), Jean Charrieyre et Jean Andrieu (1722), Antoine Gaillard (1764) et Etienne Long (1788) .

 

Le commerce

 

La population de Saint-Urcize, relativement nombreuse, de l'ordre de 1.500 à 2.000 habitants aux XVIIème et XVIIIème siècles, favorise un commerce local actif.

 

Le marché hebdomadaire du vendredi tenu au bourg, sur l'actuelle place de la Fontaine, permet aux paysans des hameaux voisins de vendre leur production avicole, agricole ou fromagère. Dans le village, les commerçants sont nombreux. Ainsi en 1788, on relève deux bouchers Pierre Baille et David Mouliac, un boulanger Pierre Orlhac. En 1668, il n'y a pas moins de six "hostes", dont Durand Saignet propriétaire de "l’hostellerie où pend pour enseigne la Croix Blanche "...

 

Outre les tisserands et cardeurs, la population du village compte de nombreux marchands. Les Saint-Urcizains sont en effet par excellence, les commerçants de l'Aubrac. Les marchands colporteurs constituent la catégorie inférieure de cette classe sociale ; ils proposent à la vente des mouchoirs de soie, des rubans, de la toile, des ustensiles de cuisine et de nombreux articles utilitaires divers. Les marchands commissionnaires de cadis représentent une catégorie intermédiaire, mais les plus riches, souvent des bourgeois, sont les marchands de bestiaux

 

Un important commerce de bétail s’exerce principalement vers le Midi. Les négociants de Saint-Urcize sont en effet dès le XVème siècle, les fournisseurs des "Boucheries de Provence". Cette société de marchands de bestiaux s'occupe de l'approvisionnement en viande de Marseille et fait ses principaux achats aux foires de Sommières, Arles, Beaucaire où le bétail lui est livré. Ainsi en 1498, Jean Vaissade et Guillaume Senrau, marchands de Saint-Urcize, vendent respectivement 630 moutons et 1.350 moutons avec leur laine pour la somme de 787 florins d'or et de 1.653 florins et 9 gros d'argent, au négociant Jean-Louis Leydier, demeurant à Aix-en-Provence. Ces relations commerciales se poursuivent au siècle suivant puisqu'en 1692 une enquête est effectuée par la justice de Salon-de-Provence au sujet d'un litige sur une vente de moutons par Pascal Vidal et Jean Manevy marchands de Saint-Urcize, à des bouchers provençaux.

 

Les marchands s’approvisionnent en bestiaux auprès des paysans, lors des grandes foires qui se tiennent en Aubrac. A Saint-Urcize les foires traditionnelles de la Saint-Marc (25 avril), de la Saint-Géraud (13 octobre) et du Mardi de la Septuagésime sont les plus anciennes.

 

Extraits de " Saint-Urcize, village de l’Aubrac " de Marcel Vigouroux .

 

 

 

La Trinitat

Situé à une altitude de 1209 mètres, sur la route de Saint-Urcize à Lacalm, cette commune est la plus élevée du canton. Son église de style roman, surmontée d’un clocher à peigne, est dédiée à la Sainte Trinité. C’était jadis un prieuré dépendant de l'abbaye de Montsalvy .A l'intérieur de l’église figure une très belle statue en bois polychrome représentant la Sainte-Trinité . En 1522, Pierre Gautier était curé du village. En 1303, Frère Pierre de Veirière était prieur du lieu, de même que Gilbert de Saignes, vers 1610. Sur la place du village, on peut admirer un élégant calvaire finement sculpté et découvrir un magnifique panorama sur les monts du Cantal.

La seigneurie de La Trinitat faisait autrefois partie de la baronnie de Saint-Urcize. En 1675, François de Montvallat était seigneur en partie de La Trinitat, ces terres provenant de sa mère, Marguerite de Monboissier-Beaufort-Canillac.

A Montfol s’élevait autrefois un fort qu’en 1270 Déodat de Canillac reconnaissait tenir de Béraud de Mercoeur. En 1669, François de Vèze qui possédait également le hameau des Issendous, était seigneur de Montfol. A l'emplacement de l'ancien château féodal, on peut maintenant découvrir un bel ensemble de bâtiments agricoles du XVIIIème siècle.

  

Jabrun

Situé à une altitude de 953 mètres, sur la route menant de Saint-Urcize à la Nationale 121, par Réquistat, le village de Jabrun est agréablement situé.

Son église dédiée à Saint-Jean est de pur style roman du XIIème siècle pour les absides et ogival pour les parties reconstruites au XVème siècle. La nef unique de forme barlongue est en hémicycle à l’intérieur et pentagonale à l’extérieur. Le clocher à peigne, surmonté d'un toit, est percé de quatre baies renfermant deux cloches datées de 1844 et de 1865. Cette église dépendait autrefois de l’Ordre du Temple, puis des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. En 1260, Etienne de Coste était chapelain de Jabrun. Selon le dernier état des commanderies du Grand Prieuré d’Auvergne établi en 1685, la cure de Jabrun dépendait de La Garde-Rousillon, membre de la Commanderie Hospitalière de Montchamp. A cette époque, l’église paroissiale, le four banal, les dîmes, les cens, les rentes et le moulin aussi banal assuraient un revenu de 2.000 livres. A Maisonneuve, sur le ruisseau se trouvait le Moulin du Temple, détruit en 1944.

 

Réquistat

  Ce village est situé à une altitude de 1140 mètres, sur la route de Saint-Urcize à la Nationale 121, passant par Pennaveyre. Son nom proviendrait de "Statio Requiem" et désignerait une ancienne étape militaire à l'époque gallo-romaine. Ce village possédait autrefois un prieuré qui dépendait de l’abbaye de Pebrac. La paroisse de Réquistat a été supprimée en 1807 et réunie à celle de Jabrun. L’actuelle église de Réquistat a été édifiée en 1826.

En 1406, Pons de Beaumont et ses deux fils, Sébastien et Guillaume, achetèrent le château de Réquistat. En 1662, Joseph d’Estaing, écuyer, seigneur de Réquistat, souscrit une reconnaissance féodale envers l’Ordre des Hospitaliers " en qualité de mari de damoiselle Chastang sa consorte ", pour des terres situées à Chaumenchal, paroisse de Saint-Urcize. En 1666, Joachim d’Estaing comte d’Estaing, baron de Murols, habitait le château de Réquistat lorsqu’il fut condamné pour défaut de production de titres de noblesse… Il rendit hommage au roi en 1669 et 1670, pour les terres de Murols, Chambon, Varennes et Réquistat. Son fils François, enseigne des gendarmes de la reine, puis mestre-de-camp en 1688, participa à la bataille de Fleurus en 1690. Réputé pour son talent et sa bravoure, il fut nommé Lieutenant-Général en mars 1704.

 

Saint-Rémy

Situé à une altitude de 1050 mètres , sur la route de Saint-Urcize à Chaudes-Aigues, le village de Saint-Rémy domine la vallée du Bès. L’église romane semble dater du XIIème siècle, mais est attestée dès 1095 lorsque Antoine de la Roche, prieur de ce lieu, fait une donation au monastère de Saint-Flour et en retour, reçoit des moines une once d’or et une rente de 70 sous à son profit... En 1219, ce prieuré est uni au monastère de Saint-Flour par l’évêque de Clermont.

L’église se compose d’une nef voûtée en berceau légèrement brisé. Elle est flanquée de deux chapelles pareillement voûtées en berceau et éclairées par deux baies romanes. Le chœur date de l’époque primitive. L’abside est circulaire cependant que le chevet extérieur est pentagonal. Un clocher à peigne du XVème siècle, comportant quatre baies, domine le mur occidental. Les cloches datent de 1812.

 

A La Roche-Canilhac, sur le piton rocheux qui surplombe le village, se trouvait le fort occupé par la famille de Canillac dès le XIIIème siècle. En 1270, Déodat de Canillac et Marquès son fils, reconnaissent en effet tenir en fief de Béraud de Mercoeur, le château de la Roche. C'est dans ce château que naquirent Raymond, Pierre et Dieudonné de Canillac.

 

Raymond de Canillac est moine, puis abbé de Conques. En 1345, il est nommé archevêque de Toulouse par le Pape Clément VI, son neveu par alliance. Cardinal-prêtre en 1350, il est chargé de recueillir la rançon permettant de délivrer le roi Jean le Bon fait prisonnier par les Anglais à la bataille de Poitiers. Durant le conclave qui suit la mort du Pape Innocent VI, Raymond de Canillac obtient 11 voix sur 21 votants. Mort à Avignon le 20 Juin 1373, il est inhumé à Maguelonne. Son frère Dieudonné est évêque de Saint-Flour de 1346 à 1361, puis évêque de Maguelonne en remplacement de son frère Pierre, mort à Avignon en 1361 avant même d'avoir pris possession de son évêché.

 

La croix des "Trois seigneurs" marque la limite des anciens fiefs de Saint-Urcize, Saint-Rémy et des Deux-Verges .

Le château de Fareyrolle est une ancienne demeure bourgeoise du XVIIIème siècle. Ce fief appartenait en 1545 à Pierre Rigal de Puy-Martin, écuyer. En 1684, le château était la propriété de Maximilien de la Revel, puis de son frère François en 1686, avant d’entrer en possession d’Antoine-Gabriel d’Apchier en 1698.

  

Recoules d'Aubrac 

Situé à 1080 mètres d’altitude, sur la route de Saint-Urcize à Nasbinals, le village de Recoules est établi sur un promontoire rocheux dominant la vallée où coule le ruisseau de la Cabre.

Situé dans le Haut Gévaudan, Recoules était anciennement un prieuré dépendant de la commanderie templière de La Capelle-Livron, au diocèse de Cahors, puis de la commanderie hospitalière de Palhers, au diocèse de Mende. L’église prieurale du XIIème siècle et les vestiges du château des chevaliers témoignent de cette époque. Dans le village et aux alentours, plusieurs croix pattées marquent encore les limites du domaine des Templiers qui ont été souvent en conflit avec l’Hôpital d’Aubrac. Ainsi en 1250, une transaction est passée entre Gaillard Précepteur du Temple à La Capelle, et Durant Dom d’Aubrac pour délimiter les appartenances réciproques de terres situées entre les paroisses de Nasbinals, Marchastel et des Hermaux. Il en est de même en 1268, à propos de droits contestés sur le mas de Cougoussac. Après l’abolition de l’Ordre du Temple en 1312 et la confiscation de ses biens attribués aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, les litiges continuent… En 1331, une transaction est passée entre le Dom d’Aubrac et Urbain de Urceria, Commandeur de Recoules, au sujet du droit de forestage dans le bois de Recoules.

A l'entrée du nouveau cimetière, on peut encore voir de très anciennes pierres tombales portant la croix de Malte ; il s’agit de sépultures de chevaliers.

Il convient de remarquer le four banal situé dans le village et près du bois de Recoules, la cascade du Bouchabés et d'anciennes carrières de granit dont les pierres ont servi aux cours des âges à édifier les églises, les forts et de très belles demeures, notamment à Saint-Urcize.

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