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SAINT URCIZE
Située à l'extrémité méridionale de l'Auvergne, aux limites du Gévaudan et du Rouergue, la commune de Saint-Urcize s'étend sur 5.400 hectares de bois et taillis, d'immenses pâturages et de riches prairies aux multiples ruisseaux.
Avec ses vastes et rudes solitudes aux burons épars, le paysage des "montagnes" donne une impression de mélancolie indéfinissable. Ce site sauvage, aux espaces infinis, est dominé par le Puy de Gudet (1.427 m), point culminant de la commune dont l'altitude moyenne est d'environ 1.230 mètres.
Le village de Saint-Urcize se dresse à 1.000 mètres d'altitude sur un roc basaltique dominant les vallées de l'Hère et du Bès. Les toitures d'ardoises grises et de lauzes servent d'écrin à une remarquable église romane du XIIème siècle dont le clocher à peigne domine la cité. Les vieilles demeures, les ruelles étroites, la rue en escalier du Poustel, les petites places agrémentées de fontaines, les ruines de l'ancien fort, donnent au village un aspect moyenâgeux et attestent de son origine très ancienne.
Outre le bourg, la commune comprend douze hameaux et plus de quarante fermes disséminées à travers la montagne. La population est d'environ 500 habitants.
HISTORIQUE
1. Les origines
L'origine du bourg de Saint-Urcize semble liée à celle de son propre nom, qui dériverait avec recul de l'accent de Ursicinus, évêque de Cahors de 583 à 624.
Selon Grégoire de Tours, Ursicinus ou Urcisse, ancien référendaire ou chancelier de la reine Ultrogothe, est le successeur de Maurillon à l'évêché de Cahors. En 590, Urcisse participe en cette qualité au IVème Concile d'Auvergne qui se tient aux confins de l'Auvergne, du Gévaudan et du Rouergue, pour rendre une sentence arbitrale dans une action pour cause d'adultère et de spoliation dirigée par le comte d'Auvergne Eulalius, contre son ancienne épouse Tétradie veuve de Didier, duc de Toulouse.
Le concile dut se tenir sur le territoire de Saint-Urcize, près de la "Croix des Trois Évêques" érigée au XIIIème siècle par les moines d'Aubrac pour commémorer cet événement. Le nom de Sanctus Urcisius fut vraisemblablement donné au petit village tout proche pour perpétuer le souvenir de l'un des participants du concile, l'évêque de Cahors réputé pour sa grande piété puisque Grégoire de Tours lui-même le surnomma "saint".
2. Les seigneurs.
Dès le XIème siècle, Saint-Urcize est le siège d'une seigneurie considérable, l'une des plus puissantes de l'Aubrac. En Auvergne, elle comprend de nombreux fiefs et alleux dans les paroisses de Saint-Rémy, la Trinitat, Saint-Martial et Anterrieux jusqu'à Chaudes-Aigues inclus. En Gévaudan, elle s'étend sur Nasbinals, Grandval, Brion, Cogoussac, Escudières et jusqu'à Marvejols. En Rouergue, elle possède plusieurs fiefs à Curières, Masse près d'Espalion, Marsils, Condom et des bois qui s'étendent jusqu'au Lot.
La terre de Saint-Urcize a donné son nom à une illustre famille dont l'origine paraît être la même que celle de la maison d'Oradour que le Chanoine Audigier fait descendre des anciens comtes de Toulouse.
Le premier seigneur dont les documents font mention, est Robert de Saint-Urcise. Vers 1025, Robert donne au monastère clunisien de Saint-Flour, l'église Saint-Julien de Chaudes-Aigues avec les dépendances del Rieou, les manses de Chasson et de Cheyrol, ainsi que la moitié de l'église Saint-Martin qu'il possède au même lieu avec les familles de Brezons et d'Oradour, ce qui confirmerait l'opinion de M. Audigier.
Le 15 des calendes de juillet 1060, Gauscelin de Canilhac, seigneur de Chirac, donne à l'Abbaye Saint-Victor de Marseille la moitié de la ville de Marvejols, reconnaissant tenir en fief de Robert de Saint-Urcise la partie de la ville située sur la rive droite de la Colagne.
En 1074, Robert de Saint-Urcise et Bertrand son frère, donnent aux moines de Saint-Victor, l'église de Nasbinals avec le village, les mas Ingisbald, le Mazet, Poget, Brefairéte, Boscolong et Taladites, ainsi que le village de Mongros avec les moulins, les cabanes et les pâturages. En outre, Robert donne l'église du village de Saint-Urcize, de même que le village de Pomiers dans la paroisse de Curières, avec l'accord de son épouse, ainsi que les droits et les appartenances qui dépendent du village "afin que les moines de Sainte-Marie de Nasbinals les possèdent".
A partir du XIIème siècle, les libéralités des seigneurs de Saint-Urcize s'exercent au profit des monastères rouergats d'Aubrac et de Bonneval.
La branche aînée de la famille de Saint-Urcise s'éteint en la personne de Pons, dont la fille ainée Miélher ou Mettir épouse avant 1238 Déodat de Caylus, issu d'une illustre famille du Gévaudan. Déodat relève le nom et le titre de Canilhac qu'il tient de Béatrice, sa grand-mère maternelle.
Aux XIIIème et XIVème siècles, les seigneurs dominants de Saint-Urcize sont les Canilhac. Déodat premier de la lignée est un seigneur puissant. En Gévaudan, il possède la seconde des neuf baronnies qui donnent entrée aux états du Languedoc avec les fiefs de Canilhac, Banassac, la Canourgue, Mièze-Rivière, les Clergues, la Ferrière, Maloin, Saint-Germain du Teil, ainsi que les châteaux de Moriès et des Hermaux. En Rouergue, Aurelle, Estolle, Saint-Laurent d'Olt, Bonneterre, et le château de la Garde près de Rodez lui appartiennent. En Auvergne, outre Saint-Urcize et Chaudes-Aigues, il possède des fiefs dans le Carladès, en particulier tous les villages de la vallée de la Cère, entre Polminhac et Thiézac. Déodat occupe le fort de Saint-Urcize mais sa résidence préférée est le château de la Roche, fief très ancien auquel il ajoute son patronyme, pour donner le nom de la Roche-Canilhac au petit village de la vallée du Bès.
La seconde famille de Canilhac s'éteint en la personne de Marquès deuxième du nom, qui de son mariage avec Alixen de Poitiers sa troisième femme, n'a qu'une fille, Guérine. Cette dernière épouse un frère du pape Clément VI, Guillaume Roger, seigneur de Roziers en Limousin, veuf en premières noces de Marie de Chambon et père de cinq enfants dont l'un devint pape sous le nom de Grégoire XI.
Cette alliance fait entrer la terre de Saint-Urcize dans le patrimoine d'une famille très riche et influente. Marquès, fils de Guérine, relève le nom de Canilhac en l'adjoignant à celui de Beaufort, comté d'Anjou donné par le roi Jean le Bon à son père. Marquès hérite principalement des fiefs de Haute-Auvergne mais l'administration de ses biens est confiée jusqu'à son émancipation en 1366, au Cardinal Raymond de Canilhac, son grand-oncle maternel.
La seigneurie de Saint-Urcize passe ensuite à Louis de Beaufort, marquis de Canilhac. En 1511, son fils Jacques de Beaufort n'ayant pas d'enfant, donne à son petit-neveu et filleul Jacques de Montboissier, le marquisat de Canilhac, le comté d'Alès, les vicomtés de Valerne et de la Mothe ainsi que toutes les autres terres dont Saint-Urcize, à condition de porter le nom et les armes de Beaufort.
Les descendants de cette illustre famille possèdent Saint-Urcize jusqu'au XVIIIème siècle. La branche aînée des Beaufort-Montboissier s'éteint en 1725 en la personne de Philippe, prince de Combret. Après sa mort, la baronnie de Saint-Urcize est mise en vente en l727 et adjugée pour 75.000 livres à Alexis Rogery, avocat au parlement de Paris. Son fils, Jean-François Rogery de Saint-Rémy lui succède. Enfin, vers 1770, la fille de ce dernier, Marie Rogery épouse Boyer de la Valette, devient le dernier seigneur de Saint-Urcize.
3. Le fort.
Le château fort de Saint-Urcize s'étendait dans la partie méridionale du bourg. Son donjon, appelé la " Salle-Court " et constitué de trois voûtes superposées, se dressait sur l'actuel rocher de la Vierge et dominait ainsi les maisons du village et la vallée de l'Hère. Un souterrain le reliait au "Portal Souteyra" et sans doute également au château del Roc; dernièrement, lors de travaux de voirie, un souterrain voûté a en effet été mis à jour entre la maison Vigouroux de Rouby et l'église.
Jusqu’à nos jours, le quartier du Fort a conservé son appellation Le château occupait l'emplacement des jardins situés au pied du rocher où de nombreuses pierres de construction servent encore pour édifier les murs de clôture. En 1850, on pouvait encore voir en cet endroit un frêne vivace, " l'arbre de la liberté " planté en 1792. Le donjon du fort a été rasé vers 1666, à la suite de la condamnation par contumace du marquis de Beaufort-Canilhac, seigneur de Saint-Urcize, prononcée lors des Grands Jours d'Auvergne tenus à Clermont. Du fort, il ne subsiste plus que la tour carrée datant du XIII ou XIVème siècle. Moins haute qu'à sa construction, cette tour de granit est néanmoins assez bien préservée et conserve sur les côtés, les meurtrières servant aux archers. Un chemin de ronde reliait cette tour à la maison Péret où s'élevait anciennement une poivrière.
4. Le prieuré.
Le prieuré de Saint-Urcize, dépendant de la Chaise-Dieu est créé vers 1167. Une bulle du Pape Lucius III, datée du 27 mars 1184, le mentionne parmi les possessions de la célèbre abbaye fondée par Saint Robert de Turlande.
Vers 1339 ce prieuré est uni à l'Hôtellerie de la Chaise-Dieu, de même que ceux de Champagnac-le-Vieux et de Champagnac-le-Jeune, car l'hôtelier casadéen a des charges financières assez lourdes pour recevoir et héberger les nombreux fidèles venus en pèlerinage sur le tombeau de Saint Robert.
A l'origine, le prieur est en même temps le desservant de la paroisse, le "rector ecclesiae". Mais au XIVème siècle, à la suite du rattachement de ce prieuré à l'Hôtellerie casadéenne, le prieur de Saint-Urcize qui est également hôtelier-mage de la Chaise-Dieu, doit abandonner la cure à un ecclésiastique pris parmi les membres de la communauté. Dès lors, il jouit de tous les droits prieuraux sans être astreint à résidence, mais reste patron de la cure, puisqu'il en nomme le titulaire. Le prieur est également décimateur, seigneur direct et justicier en partie de la paroisse de Saint-Urcize.
5. L’église
L'église de Saint-Urcize est sous l'invocation de Saint-Pierre et de Saint-Michel. L'édifice actuel date des XIème et XIVème siècles. Le chevet est la partie romane la plus ancienne, puisque dès 1074 Robert de Saint-Urcise donnait l'église de ce lieu au monastère de Saint-Victor de Marseille.
Ce monument, le seul à déambulatoire que possède la Haute Auvergne, paraît avoir été édifié par un atelier auvergnat, mais des affinités sont à rechercher à Conques, la célèbre voisine rouergate, ainsi qu'à Sainte-Eulalie d'Olt. Le déambulatoire typique des églises de pèlerinage s'explique surement par la présence de reliques de Saint Urcise, évêque de Cahors, dont la chape est encore mentionnée en 1324 dans les documents concernant l'hôpital d'Aubrac.
Extérieurement, l'abside entourée des trois chapelles rayonnantes et la nef trapue dominée par le clocher à peigne donne à l'ensemble une certaine élégance. Le chœur édifié à la fin du XIème siècle est de style roman. Le mur circulaire du chevet est percé de trois baies et décoré de neuf arcatures supportées par des colonnettes; il domine le toit tournant du déambulatoire. Une corniche à corbeaux sculptés supporte le toit en schiste du pays qui vient couronner le tout.
Les absidioles semi-circulaires sont percées d'une petite baie romane. Quatre baies plus importantes séparent les chapelles et éclairent le déambulatoire. La polychromie des pierres confère à l'édifice un effet des plus heureux. Si l'appareil de construction de l’église est généralement en granit gris, les pierres d'ornementation du chœur et des chapelles rayonnantes sont, soit en granit, soit en tuf rougeâtre ou brun méthodiquement ordonnés.
Le clocher à peigne, percé de quatre baies, domine le mur ouest. Détruit en 1794, il a été reconstruit après la Révolution. La cloche la plus petite datant de 1583 porte les initiales du fondeur F.P et l'inscription : "Dieu veulhe préserver la Crestienté de tous périlz et ennemis". Il s’agirait d’une des plus anciennes cloches de France.
Intérieurement, la nef gothique surprend par ses dimensions réduites puisqu’elle est plus large que longue (11 m sur 9 m) et ne comporte que deux travées séparées par un arc doubleau reposant sur un chapiteau de colonnes. La voûte est couverte de lambris. Depuis 1991, de nouveaux vitraux représentant des animaux bibliques ornent les baies romanes du déambulatoire.
Deux chapelles latérales s'ouvrent en avant du déambulatoire. Celle de gauche voûtée d'ogives, est une chapelle funéraire dédiée à Saint-Michel. Les retombées de ses arcs s'appuient sur deux consoles figurant des moines. Sur le mur, une fresque du XVème siècle découverte lors de la restauration de 1969, représente Saint-Michel terrassant le dragon. A la clé de voûte figuraient autrefois les armes des Beaufort-Canilhac, seigneurs de Saint-Urcize à qui cette chapelle servait de sépulture. C'est là qu'auprès de son épouse reposerait Marquès de Beaufort-Canilhac, neveu du pape Clément VI et frère consanguin du dernier pape français Grégoire XI, qui ramena le siège de la papauté d’Avignon à Rome.
Dans la chapelle rayonnante centrale, on peut admirer un Christ au Tombeau avec une Piéta en pierre peinte, qui proviendrait de la domerie d'Aubrac.
Parmi les trésors soigneusement conservés figure un calice armorié en argent et vermeil, qui selon la tradition aurait servi pour célébrer la dernière messe de Louis XVI au Temple. Donné à Pierre-Jean lpcher, prêtre de Saint-Urcize par l'abbé Saint-Pée d'Amon, il proviendrait du confesseur du roi, Henry Edgeworth de Firmont, prêtre irlandais qui accompagna le souverain à l'échafaud le 21 janvier 1793.
La coquille figurant au dessus de la porte d'entrée de l’église, sous le porche, rappelle que Saint-Urcize fut au Moyen Age une étape du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle. Selon M. Raymond Oursel, un itinéraire de pèlerinage placé sous le contrôle de l’abbaye de la Chaise-Dieu, passait la Margeride à la Croix du Fau, puis de Saint-Chély d'Apcher, se dirigeait vers Saint-Urcize, Laguiole, le château du Bousquet et Entraygues avant de rejoindre Conques. Pour cet auteur, les dispositions de l'église de Saint-Urcize, en particulier l'ampleur de son chevet, ne s'expliquent guère que par ce trafic. Cet itinéraire le plus ancien reliant les lieux habités de l'Aubrac aurait été emprunté par Godescalc, Evêque du Puy, lors de son pèlerinage effectué vers Saint-Jacques de Compostelle en 951.
6. La vie économique et sociale
Pendant des siècles, ces lieux servent de cadre à la vie quotidienne, rude et laborieuse d'une population composée de paysans, d'artisans et de marchands.
L'agriculture
Dès la plus haute antiquité, cette région de l’Aubrac est naturellement vouée à la vie pastorale. Jusqu'au XVIIIème siècle, Saint-Urcize vit de l’élevage des moutons dont la laine des toisons est toujours un revenu appréciable, même lorsque la dîme de carrelage a été perçue. L'élevage du gros bétail n'est pas négligé pour autant, mais cette activité semble réservée aux plus riches.
La race d'Aubrac qui fait aujourd'hui la fierté de la contrée, n'apparaît que tardivement au XVIIIème siècle. En effet, selon M. Fournialis, le cheptel bovin autochtone ayant été décimé par la peste, a été reconstitué à partir d'animaux de races parthenaise et tarentaise, ce qui explique les similitudes constatées entre ces trois espèces. Cette opinion semble confirmée par un "état de la race" établi en 1767, qui ne recense qu'une cinquantaine de bêtes réparties entre seize propriétaires de la paroisse de Saint-Urcize.
La principale richesse de la paroisse réside dans ses pâturages et ses prairies naturelles, mais la plupart des montagnes sont possédées par l'abbaye d'Aubrac ou par des bourgeois de villes voisines, comme les vacheries du Goutal-Bas, de Chavestras, de la Souque et du Drellier qualifiées de "montagnes roturières". Toutefois, les habitants de Saint-Urcize disposent de biens communaux dont l'étendue est considérable, puisque outre le bourg, les hameaux de Penavayre, Repon, Grezettes, Buges, Ventajoux, Bouxols et Montelmas possèdent chacun leurs propres communaux.
Un pâtre communal est chargé de veiller sur le troupeau du village. Ainsi en 1773, la garde des chèvres est confiée à Jean Grégoire cadet, moyennant le prix de 12 sols; celle des chevaux, à Nicolas Pradal pour 43 sols; le Panouval à Jean Grégoire aîné pour 18 pistoles; la garde des veaux de printemps au même berger, moyennant 8 sols pièce.
L'estivage ou "estive" des troupeaux bovins et ovins s'effectue de juin à la mi-octobre, jour de la fête de Saint Géraud. Dans les montagnes, les bergers disposent d'un habitat temporaire, la "cabane" constituée d'une murette de pierres sèches et de morceaux de bois composant une charpente grossière recouverte d'une toiture en mottes d'herbe. Le buron en pierres couvert de lauzes n’apparaît qu'au XVIIIème siècle. Le mazuc du Puech Tindoire, situé sur le territoire de la commune de Saint-Urcize et daté de 1797, est le plus ancien buron connu de l'Aubrac. Le cabanier est le chef des bergers affectés à la garde d'un troupeau ; particulièrement chargé de la fabrication du fromage, il est en quelque sorte l'ancêtre du cantalès actuel.
Les terres cultivables sont peu nombreuses et se situent au nord de la paroisse. Les deux tiers de la surface cultivée sont semés en seigle, l'autre tiers en avoine ou sarrasin. On pratique généralement la jachère triennale mais le rendement des terres reste médiocre puisque seule la moitié de la semence produit du grain. En raison des rigueurs de l'hiver, on ne peut semer les céréales qu'à la fin de mai ou au début de juin et très souvent, les grains n'ont pas le temps de mûrir à cause de gelées précoces qui surviennent dès fin août ou au commencement de septembre. Mais les récoltes sont très insuffisantes pour couvrir les besoins de la population locale, qui fait venir des céréales de la Planèze.
L’industrie
Jusqu'au XVIIIème siècle, grâce à la laine des moutons, les habitants de Saint-Urcize s'adonnent à la fabrication des cadis, sorte de petite étoffe de laine croisée, que l'on emploie " à faire des ceintures pour les muletiers et les matelots, des suaires pour les morts et des espèces de doublures pour mettre derrière les tapisseries ". Les cadis sont achetés à domicile par des courtiers du Rouergue qui les font teindre avant de les expédier en Espagne ou en Italie et jusqu'en Orient.
En 1716, la paroisse de Saint-Urcize compte 80 métiers à tisser, également répartis entre le bourg et les hameaux. Cette industrie fournit du travail à la majorité de la population puisqu'elle emploie 90 tisserands, une centaine de peigneurs de laine ou "tireurs d'étain", et de nombreuses fileuses, pour une production annuelle de 4.500 pièces de cadis.
La fabrication des cadis atteint le plus haut degré de prospérité au milieu du XVIIIème siècle, puisqu'en 1744 Saint-Urcize vend 6.534 pièces à 19 livres 10 sols, soit un total de 156.816 livres. Mais par la suite cette activité décline, si bien qu'en 1783 le bureau de marque des étoffes de Saint-Urcize est supprimé.
A côté de cette industrie de la laine, l'artisanat rural est particulièrement actif à Saint-Urcize. Le forgeron est à la fois coutelier, serrurier et maréchal-ferrant. Tout au long du XVIIIème siècle, la famille Vidal semble avoir une prédilection pour ce métier. Une certaine spécialisation prévaut ensuite, puisqu'en 1780 on trouve deux serruriers, Guillaume Planque et Antoine Monteil. Le village compte plusieurs cordonniers: au XVIIème siècle, Jean Monteil et Jean Ribeyroles ; au siècle suivant, Jean Picy, Pierre Ribeyroles et Jean Saignet. On recense de nombreux tailleurs: Jean et Guillaume Andrieu (1675), Jean Charrieyre et Jean Andrieu (1722), Antoine Gaillard (1764) et Etienne Long (1788).
Le commerce
La population de Saint-Urcize, relativement nombreuse, de l'ordre de 1.500 à 2.000 habitants aux XVIIème et XVIIIème siècles, favorise un commerce local actif.
Le marché hebdomadaire du vendredi tenu au bourg, sur l'actuelle place de la Fontaine, permet aux paysans des hameaux voisins de vendre leur production avicole, agricole ou fromagère. Dans le village, les commerçants sont nombreux. Ainsi en 1788, on relève deux bouchers Pierre Baille et David Mouliac, un boulanger Pierre Orlhac. En 1668, il n'y a pas moins de six hôteliers, les "hostes", dont Durand Saignet propriétaire de "l’hostellerie où pend pour enseigne la Croix Blanche ".
Outre les tisserands et cardeurs, la population du village compte de nombreux marchands. Les saint-urcizains sont en effet par excellence, les commerçants de l'Aubrac. Les marchands colporteurs constituent la catégorie inférieure de cette classe sociale en proposant à la vente des mouchoirs de soie, des rubans, de la toile, des ustensiles de cuisine et de nombreux articles utilitaires divers. Les marchands commissionnaires de cadis représentent une catégorie intermédiaire, mais les plus riches, souvent des bourgeois, sont les marchands de bestiaux.
Un important commerce de bétail s’exerce principalement vers le Midi. Les négociants de Saint-Urcize sont en effet dès le XVème siècle, les fournisseurs des "Boucheries de Provence". Cette société de marchands de bestiaux s'occupe de l'approvisionnement en viande de la ville de Marseille et fait ses principaux achats aux foires de Sommières, Arles, Beaucaire où le bétail lui est livré. Ainsi en 1498, Jean Vaissade et Guillaume Senrau marchands de Saint-Urcize, vendent respectivement 630 moutons et 1.350 moutons avec leur laine pour la somme de 787 florins d'or, 1.653 florins et 9 gros d'argent, au négociant Jean-Louis Leydier, demeurant à Aix-en-Provence. Ces relations commerciales se poursuivent au siècle suivant puisqu'en 1692 une enquête est effectuée par la justice de Salon-de-Provence au sujet d'un litige sur une vente de moutons effectuée par Pascal Vidal et Jean Manevy marchands de Saint-Urcize, à des bouchers provençaux.
Les marchands s’approvisionnent en bestiaux auprès des paysans, lors des grandes foires qui se tiennent en Aubrac. A Saint-Urcize les foires traditionnelles de la Saint-Marc (25 avril), de la Saint-Géraud (13 octobre) et du Mardi de la Septuagésime sont les plus anciennes.
< Extraits de " Saint-Urcize, village de l’Aubrac " de Marcel Vigouroux.